Manifeste pour une Architecture Écologique et Résiliente : Construire un Avenir Durable face aux Risques Majeurs

Le monde, aujourd’hui plus que jamais, est confronté à des défis sans précédent. Le changement climatique, la montée des eaux, les cyclones et autres catastrophes naturelles forcent nos sociétés à se réinventer. Ces crises exposent la fragilité de nos territoires et interrogent la capacité de nos infrastructures à résister, à s’adapter et à se reconstruire durablement.

C’est dans ce contexte que l’éco-résilience s’impose comme une nécessité impérieuse, une stratégie qui transcende la simple reconstruction pour adopter une approche systémique et prévoyante. Ce manifeste plaide pour une architecture de l’urgence qui conjugue innovation et respect des écosystèmes, avec une ambition déclarée : construire des territoires à la fois durables et inclusifs.

1. Comprendre les Risques Majeurs pour Mieux y Faire Face

Mayotte, cette île de l’océan Indien, illustre tragiquement les conséquences de la précarité et de l’urbanisation désordonnée face à des phénomènes climatiques extrêmes. Le cyclone Chido, qui a balayé l’île le 14 décembre 2024, est un exemple cruel de la manière dont les catastrophes naturelles aggravent les fractures sociales et exposent les limites d’un aménagement non adapté. Avec des vents dépassant les 210 km/h, il a détruit infrastructures et habitations, plongeant l’île dans une crise sans précédent.

Pour répondre à ces risques majeurs, il faut avant tout les comprendre. La densification urbaine incontrôlée et l’occupation des zones sensibles rendent les populations vulnérables. À Mayotte, près de 56 % du territoire est exposé à des aléas naturels majeurs. Construire sur des pentes instables ou des zones inondables n’est pas qu’une question d’erreur humaine : c’est souvent le résultat de l’absence d’alternatives pour les plus démunis.

2. L’Architecture de l’Urgence : Une Réponse à la Hauteur des Enjeux

L’architecture de l’urgence n’est pas une simple réaction aux désastres ; elle représente une stratégie proactive et anticipative. Il s’agit de repenser les habitats pour qu’ils soient résilients, adaptés et respectueux de leur environnement.

Principes fondamentaux :

• Modularité et réutilisation : Les structures doivent être flexibles, facilement démontables et adaptables pour répondre aux besoins changeants des populations sinistrées.
• Utilisation des ressources locales : Prioriser des matériaux endogènes permet de réduire l’empreinte carbone tout en soutenant l’économie locale.
• Anticipation des aléas climatiques : Concevoir des bâtiments capables de résister aux vents cycloniques et aux inondations, tout en minimisant les risques pour les occupants.

L’exemple de Mayotte est éloquent. Les bangas, habitats précaires abritant un quart de la population, ont été détruits en masse par le cyclone Chido. Ces habitations doivent être remplacées par des logements durables, intégrant des solutions telles que la récolte des eaux pluviales, la ventilation naturelle et des fondations adaptées aux terrains.

3. Vers une Éco-Résilience Holistique

La reconstruction à Mayotte ne peut se limiter à rebâtir ce qui a été perdu. Il s’agit de transformer cette tragédie en opportunité pour créer un modèle territorial à la fois écologique et solidaire.

Trois piliers de l’éco-résilience :

• Aménagement durable : Proposer des zones de construction sécurisées, préservant les écosystèmes locaux et réduisant les impacts environnementaux.
• Réinsertion sociale : Intégrer les populations vulnérables dans les projets de reconstruction, en favorisant leur participation active et leur autonomisation.
• Transition énergétique : Promouvoir des énergies renouvelables comme le solaire et des systèmes à faible consommation pour les nouveaux habitats.

L’éco-résilience n’est pas qu’un concept : c’est une invitation à réinventer notre rapport aux territoires, à adopter des pratiques inclusives et respectueuses, où l’humain et la nature coexistent en harmonie.

4. Une Vision pour l’Avenir : Mayotte comme Modèle

Dans le sillage du cyclone Chido, une mobilisation collective est indispensable. L’objectif est de transformer Mayotte en un laboratoire de l’innovation architecturale et sociale, en prouvant que même les territoires les plus exposés peuvent devenir des modèles d’éco-résilience.

Axes stratégiques :

• Planification participative : Associer les habitants, les experts et les institutions dans la conception des infrastructures.
• Mise en place de politiques inclusives : Garantir un accès à un logement digne pour tous, indépendamment du statut socio-économique ou administratif.
• Renforcement des infrastructures : Stabilisation des pentes, création de digues et réseaux de drainage pour prévenir les inondations.

Cette approche est partagée au sein d’un groupe de chercheurs et d’architectes de l’EVCAU, laboratoire de recherche en architecture de l’ENSAPVS, sous la co-direction de David Serero et Dimitri Toubanos. Le chercheur Boris Weliachew a lancé un appel le 20 décembre 2024, auquel nous nous sommes associés pour rassembler des expertises architecturales, urbaines, constructives pour développer de nouveaux modèles urbains pour Mayotte. Ce groupe a déjà mobilisé des expertises sur des séismes au Japon et au Maroc, des inondations en France et en Espagne, des fissurations de structures sous l’effet du réchauffement climatique et l’instabilité des sols.

Conclusion : Construire Ensemble un Avenir Résilient

Ce manifeste appelle à une mobilisation urgente et concertée. Les catastrophes naturelles comme le cyclone Chido doivent cesser d’être perçues comme des fatalités. Elles sont des signaux d’alarme, nous pressant d’agir pour préserver nos territoires et nos communautés.

L’architecture écologique et résiliente est plus qu’un concept : elle est la clef d’un avenir où le changement climatique n’aura plus le dernier mot. Mayotte peut devenir un phare, une inspiration pour d’autres régions confrontées à des défis similaires. En construisant sur les ruines, avec courage et vision, nous pourrons transformer la fragilité en force et le désarroi en espoir.

C’est un appel à l’action : que chaque brique posée soit une pierre d’un avenir durable, inclusif et réconcilié avec la nature.